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De la menuiserie aux foudres :

parcours d'un artisan de talent

À tout juste 41 ans, Sébastien Rochet a construit une vraie expertise dans le bois. Son parcours de menuisier, à Saint-Barthélemy ou en France métropolitaine, l'a amené à développer une spécialisation rare : celle de foudrier, fabricant de tonneaux de grandes dimensions et de haute facture.

Le moins que l'on puisse dire est que Sébastien Rochet n'aime pas la facilité. Cet orfèvre du bois est non seulement menuisier mais également foudrier. Un métier peu connu mais qui demande un savoir-faire très spécifique. Et une activité qui rencontre ces dernières années un franc succès.

Un foudrier est en effet l'artisan qui fabrique des foudres, des tonneaux de vinification de très grande contenance. Et ce changement

de gabarits entraîne la nécessité d'un savoir-faire rare. Tellement rare que le nombre de foudriers ne se compte qu'en dizaines en France.

« Alors qu'un tonneau contient 228 litres, un foudre en contient minimum 1000. J'en fabrique également de grandes dimensions, jusqu'à 6000 litres. Et certains foudres peuvent même atteindre 24 000 litres ! », s'exclame Sébastien Rochet.

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Un parcours singulier

Ce jeune artisan s'est construit, à travers un parcours insolite, une expertise rare dans le domaine du bois. Il faut dire que sa vocation a rapidement été une évidence.

« Gamin, j'ai vu un menuisier travailler chez mon père. Et je me suis tout de suite dit que j'avais envie de faire ça », se souvient le menuisier qui vivait alors en Haute-Saône, et qui a démarré dès l'âge de 14 ans un CAP de menuisier-agenceur à Luxeuil-les-Bains. Avant de le compléter par un CAP de menuisier-escaliéteur à Lons-le-Saunier. « J'avais soif d'apprendre toujours de nouvelles choses. C'était génial ! J'ai fabriqué mes premiers meubles à 14 ans. Et j'ai fait de multiples stages. J'adorais ce que les anciens avaient à me transmettre, leurs méthodes traditionnelles et leur goût du travail bien fait ! »

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Enthousiaste, Sébastien Rochet a besoin de mouvement, sans cesse. « Je n’aime pas la routine », lâche-t-il rapidement. Alors après 1 an de travail comme bucheron, il saisit une opportunité. Et part, à seulement 19 ans, travailler à Saint-Barthélemy.

« On faisait plein de types d'aménagements et d'agencements dans des villas de luxe. J'ai appris beaucoup de choses, un savoir-faire différent et j'ai accumulé pas mal d'expérience professionnelle. Notamment dans le style colonial mais aussi dans la fabrication en matériaux contemporains, souvent de très bonne qualité », détaille-t-il. L'expérience est si riche qu'il y passe 8 ans ; 4 ans comme salarié puis 4 ans comme indépendant. Une expérience qui présageait déjà de son futur besoin de voler de ses propres ailes.

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À la découverte des foudres

De retour en France, avec une compagne d'origine jurassienne rencontrée à Saint-Barthélemy, il s'installe à Beaune. Une entreprise de foudrerie locale recrute. Il postule et est pris tout de suite. « Je ne connaissais pas la foudrerie. Mais de toute façon, il n'y a pas d'école spécifique. Il faut un diplôme et une expérience de menuisier, puis cela s'apprend en entreprise. »

Au cours de ses 13 ans au sein de cette entreprise, commencées en tant que manœuvre et terminées au poste d'agent de maîtrise, Sébastien Rochet aura justement appris beaucoup. « J’ai découvert énormément de choses sur le bois :  comprendre et reconnaître les fibres du bois, les parties que l'on peut utiliser pour cette confection très exigeante. C'est un art qui demande d'être dans le détail, notamment au niveau de la matière. C'est pourquoi il y a beaucoup d'exigences dans le choix du bois. Et la technique, qui est entièrement artisanale, est très spécifique. On fait quasiment tout à la main. C'est un vrai travail d'artisan ! »

Pris de passion, Sébastien Rochet a fini par monter sa propre entreprise : R-S Bois design. Il y pratique, à peu près à parts égales, la foudrerie et la menuiserie. « J'ai besoin de ne pas être dans la routine. Un jour, je vais fabriquer un escalier, le lendemain construire un meuble et le surlendemain, m'atteler à la fabrication d'un foudre sur mesure », relate-t-il.

Tout juste lancée, en pleine crise du Covid-19, son entreprise connaît néanmoins rapidement le succès. Il faut dire que Sébastien Rochet a une solide réputation dans la région. Et qu'il aime le travail bien fait. « J'ai commencé dans ma grange, avec un atelier de tout juste 60m2. Mais j'ai vite eu besoin d’agrandir. En 2022, je me suis installé dans un grand local de 400m2, à Mercurey, au milieu des vignes. »

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Sublimer le terroir à travers la vinification

Une proximité qui lui permet chaque jour d'apprendre sur le travail des vignerons et ainsi de mieux comprendre leurs besoins. « Chaque foudre est réalisé sur mesure. Je discute beaucoup avec le vigneron car chacun a des demandes particulières. On ne s'en rend pas compte mais il y a énormément de différences dans les façons de travailler entre les viticulteurs. Et cela rend la fabrication de chaque foudre très technique », se réjouit l'artisan qui aime les challenges.

Et il n'en manque pas. « Ces dernières années, la demande explose ». Si bien que Sébastien Rochet a rapidement embauché une personne pour l'aider. Et qu'il sait qu'il devra à nouveau recruter dans les années qui viennent.

La raison de ce succès ? Les goûts des consommateurs et des vignerons qui évoluent, vers la recherche de vins moins tanniques. « Or, justement, le choix du foudre influe beaucoup sur le goût du vin. Il dépend du cépage, bien sûr, et de la façon de travailler la vigne. Mais aussi des choix techniques de vinification. Une vinification en tonneau donne en général un vin très boisé et tannique. Alors qu'avec une vinification en foudre, il y a moins de contacts entre le bois et le vin, puisqu'il y a beaucoup plus de vin contenu dans un foudre pour une superficie de bois plus ou moins égale. Ainsi, on obtient des vins moins tanniques, qui répondent à la demande actuelle », explique celui qui, à travers le partage avec des clients, a compris de nombreuses subtilités dans la fabrication des vins.

Tout comme le bon vin, la fabrication des foudres est très liée à la notion de terroir et de tradition. On pourrait même faire le parallèle avec un bon coin à champignon. Peu de gens le connaissent.

Et cela se transmet uniquement aux personnes de confiance. Il n'y a quasiment pas de formation spécifique. Ce sont les artisans qui se transmettent les secrets et subtilités de ce savoir-faire ancestral.

« C'est un processus complexe, qui démarre dès le choix du bois », explique ainsi Sébastien Rochet. En effet, il faut un bois de très bonne qualité pour fabriquer un foudre. Et cela explique également que la France, et ses forêts bien gérées, soit à la pointe de cette fabrication, qui est maintenant exportée dans toutes les nations viticoles du monde.

« Le bois français est réputé, car nous avons de très beaux chênes, parfait pour ça. Pour fabriquer les foudres, nous avons besoin de chênes spécifiques, qui sont très difficiles à trouver et qui poussent plutôt dans le centre ou dans les Hauts de France. Pour obtenir une fibre de bois très serrée, il faut en effet un sol calcaire, sableux. À l'inverse, les chênes qui poussent sur un sol argileux produisent un gros grain, qui est utilisé pour les alcools forts, comme les cognacs », détaille le spécialiste.

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Une fabrication délicate

Or, un chêne de ce type-là met au moins 80 ans à pousser. « Alors ils sont rares et chers. Heureusement, j'ai aujourd'hui un partenariat avec un très bon mérandier dans l'Aube (NT Bois), qui me fournit de très beaux bois de terroir. »

Ensuite démarre un long travail de fabrication méticuleux et exigeant. Et surtout entièrement artisanal. « Nous faisons tout à la main. Alors c'est un travail très physique. Pour fabriquer un foudre, il faut en moyenne donner 10 000 coups de marteau. Avec l’habitude, mon corps encaisse bien. J'ai appris comment faire, les bons gestes pour ne pas me blesser. »

Une fois le bois obtenu, il s'agit de le débiter pour former les douelles, ces lames de bois qui formeront les parois du tonneau. « On effectue ensuite un cintrage à la vapeur, durant 2 heures à 80°, pour plier les duelles et leur donner la forme arrondie de type tonneau. » Ensuite vient le cerclage, l'ajout des cercles métalliques qui maintiennent les duelles entre elles. Puis, une nouvelle chauffe.

« L'étape de la chauffe est primordiale. Car elle influence beaucoup le futur goût du vin.

Avec une chauffe qui n'est pas assez forte, le foudre reste nerveux et risque de casser. Trop forte, il développera des arômes de réglisse », explique Sébastien Rochet, qui a fait des choix personnels en la matière : « Je privilégie les chauffes longues mais légères. C'est-à-dire que je chauffe à feu doux, durant 4 à 6h. Cela donne des vins légers, assez frais ».

Un savoir-faire ancestral certes. Mais Sébastien Rochet aime allier tradition et innovation. Ainsi, sur tous ses foudres, il peut adapter des accessoires inox : portes, trappes, thermomètre, dégustateur ou encore des systèmes de refroidissement de type « échangeur », qui permettent de régler la température du vin durant la vinification. Des options disponibles à la construction mais également plus tard, en fonction de l'évolution des besoins et des usages du vigneron. « Et l'avantage est qu'avec ces options, un foudre peut servir tout autant à la vinification qu'au stockage. Cela minimise les coûts. Et surtout, le foudre est plein toute l'année, il ne sèche pas. Et ainsi on évite l'étape de la remise en eau qui peut prendre jusqu'à un mois, au moment des vendanges. »

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Un passionné insatiable

Passionné, Sébastien Rochet a trouvé un équilibre entre spécialisation et éclectisme. Ainsi, il conserve 50% de son temps pour la menuiserie. Escaliers, tables de salon design avec pieds métalliques, portes, dressings, bains nordiques en épicéa ou en bois exotique, mobilier… « J'aime les projets compliqués, ceux qui me demandent de réfléchir. J'aime quand il y a sans cesse du changement. Et je ne peux pas rester sans rien faire sinon je déprime. C’est mon entreprise, certes, mais c’est avant tout une passion. »

Ses deux activités sont complémentaires car la menuiserie lui permet d'éviter le gaspillage de bois : il peut ainsi se servir de toutes les parties du chêne qui ne peuvent pas être utilisées pour la fabrication des foudres.

S'il a trouvé un équilibre, Sébastien Rochet n'en reste pas moins insatiable.

Son prochain objectif : présenter le concours de Meilleur Ouvrier de France (MOF) en tonnellerie. Et après ? « Pourquoi pas le concours MOF en menuiserie ? » Et ensuite ? « Éventuellement le concours MOF en tonnellerie d'art ? »

Décidément, Sébastien Rochet n'est pas prêt de perdre la fougue de ses débuts ! La virtuosité en plus...

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