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les conseils de la Chambre interdépartementale des notaires de la Cour d'appel de Lyon
Héritage
N’oubliez pas de transmettre
tous vos actifs numériques
Comptes en ligne, cryptomonnaies, réseaux sociaux… Nous sommes de plus en plus nombreux à posséder un patrimoine en ligne qu’il faut penser à transmettre à ses héritiers. Voici les conseils de Me Laetitia Jossier pour anticiper la transmission de votre patrimoine numérique.
Me Laetitia Jossier vice-présidente de la Chambre interdépartementale des Notaires de la Cour d'Appel de Lyon
On parle de plus en plus « d’héritage numérique ». De quoi s’agit-il ?
Nous possédons quasiment tous une vie en ligne désormais. Cela signifie que nous accumulons des données, des fichiers et des biens dématérialisés tout au long de notre vie. On ne s’en rend pas toujours compte, mais cette activité en ligne constitue un patrimoine. Un patrimoine qui peut être transmis à ses héritiers, dès lors qu’il est évaluable en argent. C’est ça, l’héritage numérique.
De quels types d’actifs numériques parle-t-on ?
Le patrimoine numérique peut prendre diverses formes. Il s’agit aussi bien de comptes bancaires (banque en ligne, Paypal…), de cagnottes (Leetchi, Lydia…), de trading en ligne ou de comptes de paris sportifs, que de profils sur les réseaux sociaux ou de comptes multimédias.
Quels sont les enjeux autour de ce patrimoine ?
Il y a trois grands enjeux autour de ce patrimoine numérique : identifier et recenser ce patrimoine, le valoriser et permettre à ses héritiers d’y avoir accès.
Il s’agit de le transmettre comme n’importe quel patrimoine. Pourquoi n’est-ce pas si évident ?
D’abord, les défunts n’ont pas toujours eu le réflexe de dresser la liste des comptes en ligne qu’ils détenaient. Si le notaire a un accès au système bancaire classique pour identifier les comptes d’un défunt, ce n’est pas le cas en ce qui concerne les actifs numériques : il n’existe pas de fichier central.
Ensuite, se pose la question de la valorisation. Les cryptos actifs sont souvent très volatils : quelle valeur faut-il retenir lors de la succession ? Certaines personnes possèdent par ailleurs des comptes sur les réseaux qui génèrent des revenus : comment estimer la valeur à transmettre de cette activité ?
Enfin, il existe un problème d’accessibilité à ce patrimoine numérique. Par exemple, les crypto monnaies reposent sur un principe d’anonymat et de décentralisation. Si le défunt n’a pas fait mention de ces actifs à ses proches ou son notaire, de son vivant, il y un risque de perte d’information et en la matière, la perte d’information peut aboutir purement et simplement à la perte des actifs. Le notaire est le bon interlocuteur puisqu’il est à la fois le garant du secret et celui de la transmission du patrimoine.
Quels sont les risques de ne pas anticiper sa succession numérique ?
Il existe un risque de déshérence du patrimoine. Certaines études indiquent que 10 % de la population française détient des cryptos actifs, dont l’accession dépend de clés numériques très sécurisées. Des clés sans lesquelles le patrimoine est définitivement perdu.
Quel réflexe faut-il alors adopter pour son patrimoine numérique ?
Le premier réflexe est d’en parler avec son notaire. En tant que garant de la sécurité juridique des citoyens, il vous conseillera d’anticiper la transmission de ce patrimoine numérique. C’est-à-dire qu’il vous invitera d’abord à recenser vos actifs en ligne, à réaliser en quelque sorte un bilan patrimonial numérique à intervalles réguliers si nécessaire.
Quelles solutions le notaire peut-il mettre en place ?
La transmission du patrimoine numérique peut faire l’objet d’un testament. Notamment ce que l’on appelle le testament mystique : il peut être écrit à la main ou dactylographié, remis à son notaire en présence de deux témoins, de manière cachetée. Cette solution s’avère très pratique pour transmettre des codes d’accès à des comptes de crypto-monnaies, une boîte mail ou des identifiants de réseaux sociaux de manière confidentielle.
Une autre solution, qui se développe de plus en plus, est le coffre-fort numérique. Le Conseil supérieur du notariat travaille avec des start-up agréées afin de mettre en place cette solution qui permet au notaire de récupérer les données, au jour de la succession, que le défunt souhaitait transmettre.
Est-il possible d’effectuer une donation d’actifs numériques de son vivant ?
Oui, bien sûr. La pratique est encore assez rare, mais elle va sans doute se développer dans les prochaines années. Il est possible d’effectuer par exemple une donation-partage d’actifs numériques. Il faut néanmoins prendre en considération que la donation de certains actifs nécessite une organisation particulière, notamment lorsqu’il s’agit de crypto actifs. On ne peut pas les faire transiter par le notaire : il faut que le donateur ait accès à son portefeuille numérique, chez le notaire, pour transmettre ses actifs directement dans le portefeuille numérique du donataire… dont la valeur en euro sera estimée à l’instant T.
En chiffres
11%
C’est la part des Français qui possèdent des crypto monnaies, selon une étude de KPMG réalisée en 2023. Ils étaient 8% en 2021 et seulement 3 % en 2020. Et plus d’un quart des Français pourrait envisager, à l’avenir, d’en acquérir. La transmission de ces actifs va devenir un sujet de plus en plus important.
60 000
Le 28 février dernier, le bitcoin a bondi de 6,67 % à 60 520 dollars (55 944 euros), non loin de son plus haut historique à 68 991 dollars, atteint en novembre 2021.
Chaque réseau social possède sa propre politique en matière de gestion des comptes des défunts.
Certains permettent par exemple de transformer le profil en « page commémorative », d’autres offrent la possibilité de désigner de son vivant un légataire (comme Facebook ou Google). Si le défunt souhaitait faire supprimer ces comptes après sa mort, ses proches pourront en faire la demande auprès de chaque plateforme : il faut en général pouvoir prouver ses liens avec le défunt et, éventuellement, connaître le lien du profil et l’adresse mail utilisée pour le créer. Un conseil : détaillez l’ensemble de vos accès dans un coffre-fort numérique auprès de votre notaire, par anticipation.
